23 juin 2014
Publication | France - Protection des données personnelles
Par Olivier Cousi, avocat associé
Qualifiée à juste titre d’historique, la décision rendue par la Cour de Justice (CJUE) dans son arrêt du 13 mai sur le droit à l’oubli donne corps, vingt ans après, à un principe inscrit dans la directive 95/46/CE de 1995 qui, au nom du principe de la protection de la vie privée, a conféré aux ressortissants des pays européens des droits à l'égard des responsables des traitements de leurs données personnelles. La Cour de Justice a souligné ce point au début de son arrêt, plaçant sa décision sous le signe de la sauvegarde des droits fondamentaux.
La revendication d’un "droit à l’oubli" est apparue avec la généralisation des usages d’Internet qui mettent le citoyen à la merci d’une image, plus ou moins fidèle de lui-même, circulant sur le web et qui constitue notre e-réputation.
En 2013, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen a adopté un "Paquet" sur les données personnelles, visant à remplacer la Directive de 1995 et incluant le droit à demander la suppression de données.
La CJUE a décidé que l’exploitant du moteur de recherche est tenu de supprimer, sur demande, les liens vers des pages web à condition que la démarche de l’internaute soit justifiée. L’arrêt n’instaure pas cependant un "droit à l’effacement des données", mais un "droit à la désindexation" : les liens restent accessibles, notamment à partir du site américain Google.com, accessible à un internaute européen.
La solution proposée par la Cour reste donc en-deçà de celle du projet de Règlement qui remplacera la directive de 1995, qui prône un réel effacement des données et qui doit être adopté "au plus tard en 2015" par la France et l’Allemagne. L’entrée en vigueur du Règlement devrait rendre également caduque la décision de la Cour.
La portée de l’arrêt du 13 mai doit être cependant relativisée car le droit à la "désindexation" existe déjà dans plusieurs pays de l’Union européenne, notamment en France.
Le véritable apport de la décision du 13 mai 2014 réside plutôt dans l’application territoriale de la directive de 1995 qui prévoit que la loi nationale de transposition s’applique notamment "lorsque le traitement de données personnelles" est effectué dans le cadre des activités d’un établissement sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne (art. 4). Google Inc. est donc responsable du traitement des données, même dans les pays européens où opérent ses filiales.
Vous trouverez une présentation très détaillée de ce sujet dans le magazine Option Finance n° 1275 du lundi 23 juin 2014 ainsi qu'une tribune d'Olivier Cousi en ligne sur le Journal du Net.