12 janvier 2021
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Une étape décisive vient d’être franchie outre-Atlantique. En reconnaissant, dans une publication officielle, que des applications basées sur la technologie des registres distribués[1] (ou technologie blockchain) pouvaient être utilisées par les banques américaines pour conduire certaines de leurs activités régulées, l’Office of the Comptroller of the Currency (ou « OCC ») précipite le monde des paiements dans une nouvelle ère.
L’OCC est une agence du Trésor américain chargée de la supervision des banques établies aux Etats-Unis. Le 4 janvier 2021, elle publie une interpretive letter[2] qui autorise (i) les banques américaines à opérer des nœuds au sein d’un registre distribué ; et (ii) à avoir recours à des stablecoins pour fournir des services de paiement. Cette publication constitue une avancée notable car elle vient légitimer la technologie blockchain dans le monde des paiements. Elle reconnaît en effet que cette technologie, du fait de ses caractéristiques intrinsèques, est de nature à faciliter l’intermédiation financière et constitue ainsi, pour les banques, un nouveau moyen de conduire certaines activités régulées, telles que les activités de paiement.
La publication de l’OCC autorise deux modalités de recours à la technologie blockchain pour accomplir des activités de paiement.
En premier lieu, les banques placées sous la supervision de l’OCC pourront valider, conserver et enregistrer les transactions de paiement en opérant un nœud sur la blockchain[3]. Le superviseur américain explique que le cœur des activités de paiement consiste à transmettre et à enregistrer des instructions de transferts d’un compte à un autre. Les systèmes de paiement traditionnels sont des entités de confiance centralisées qui valident et enregistrent les paiements. A la différence du fonctionnement des structures traditionnelles, les transferts au sein d’une blockchain sont opérés via un système de validation distribué, constitué de nœuds d’accès. Toutefois, les fonctions de base d’un système de paiement continuent d’être opérées : assurer la transmission des instructions de paiement et valider les paiements. Par conséquent, le même cadre juridique vient à s’appliquer et une banque peut opérer un nœud sur la blockchain pour faciliter des opérations de paiement[4].
Par ailleurs, les banques pourront recourir à des stablecoins pour faciliter des transactions opérées par leurs clients au sein d’un environnement blockchain. En particulier, une banque pourra émettre un stablecoin et assurer sa conversion en monnaie ayant cours légal. Un stablecoin est défini par l’OCC comme un type de cryptomonnaie conçu pour avoir une valeur stable (contrairement à d’autres types de cryptomonnaies)[5]. Certains stablecoins sont adossés à des monnaies fiat, comme le dollar américain, avec une parité de 1 pour 1. L’OCC explique que ces instruments constituent ainsi un mécanisme pour stocker, transférer, transmettre et échanger de la valeur. Toutes ces fonctions sont centrales pour faciliter les activités de paiement. L’OCC conclut que les stablecoins constituent des systèmes permettant de stocker électroniquement de la valeur (Electronically Stored Value System) ; systèmes que, conformément à la règlementation bancaire américaine, les banques américaines sont autorisées à développer et à maintenir[6].
L’OCC finit d’insister sur les bénéfices et les risques induits par l’utilisation de la technologie blockchain. Au titre des bénéfices, figurent l’efficacité et l’efficience dans la fourniture des services de paiement. Il est également précisé que le recours à ces innovations répond à une demande croissante des clients qui souhaitent bénéficier de dispositifs de paiement plus rapides et plus résilients. Pour les acteurs bancaires, de telles innovations sont également de nature à élargir leur base de clientèle. L’OCC reconnaît aussi qu’opérer un système de paiement en ayant recours à la technologie blockchain pourrait être plus résilient qu’un système traditionnel du fait de la nature décentralisée du réseau. Outre les risques traditionnellement associés aux activités de paiement (notamment le risque de blanchiment), l’OCC souligne que le recours aux cryptomonnaies pourrait augmenter les risques opérationnels et les activités impliquant les stablecoins, le risque de liquidité[7].
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En adoptant une approche extrêmement positive vis-à-vis du recours à la technologie blockchain dans le domaine des paiements, le superviseur bancaire américain envoie un signal fort non seulement à ses assujettis, mais également à la communauté internationale des autorités de supervision financière. L’OCC prend également le contre-pied des critiques qui opposent parfois l’usage de la blockchain et la pérennité des institutions financières historiques ouvrant ainsi la porte à une coopération renforcée entre les deux mondes. En indiquant que le cadre légal actuel continue de s’appliquer aux activités de paiement basées sur la blockchain, l’OCC encourage ainsi clairement les acteurs bancaires à investir dans de nouvelles solutions qui pourraient améliorer et/ou renforcer l’efficacité des opérations de paiement. Cette publication intervient aussi à un moment charnière en particulier en Europe où la Commission européenne a publié une proposition de règlement visant précisément les stablecoins[8] et a renouvelé sa stratégie relative aux activités de paiement[9].
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[1] La publication de l’OCC fait référence aux Independent Node Verification Networks (« INVN ») dont les registres distribués (Distributed Ledger) constituent une forme possible.
[2] OCC, Interpretive Letter 1174, OCC Chief Counsel’s Interpretation on National Bank and Federal Savings Association Authority to Use Independent Node Verification Networks and Stablecoins for Payment Activities, 4 janvier 2021.
[3] OCC, Interpretive Letter 1174, p.4.
[4] OCC, Interpretive Letter 1174, p.6.
[5] OCC, Interpretive Letter 1174, p.2.
[6] OCC, Conditional Approval Letter No. 220.
[7] OCC, Interpretive Letter 1174, p.9.
[8] Communication de la Commission européenne sur une stratégie en matière de paiements de détail pour l’UE, septembre 2020.
[9] Proposition de Règlement du Parlement et du Conseil sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2019/1937.
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