3 mars 2023
Le 31 janvier 2023, le Sénat a adopté la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants ("Petite loi")[1]. Son objectf est d'améliorer le fonctionnement du marché de l'épargne français en (i) assurant un encadrement plus strict de certaines catégories de commissions, (ii) permettant aux épargnants de pouvoir faire un choix plus éclairé dans leurs dcisions d'investissement comme dans leurs choix de produits, (iii) favorisant le développement et l'adaptation des produits d'épargne aux nouvelles contraintes du marché, (iv) accentuant le contrôle des acteurs du marché de l'épargne.
Cette Petite loi poursuit son parcours législatif et sera examinée devant l'Assemblée nationale, la date n'étant pas encore déterminée à ce jour.
L'article 1er de la Petite loi prévoyait d'interdire les commissions de mouvement[2]. La commission des finances du Sénat a néanmoins supprimé cet article, considérant que cet objectif a déjà été atteint suite à la modification du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers ("AMF") interdisant aux gérants d'OPCVM et de FIA de percevoir des commissions de mouvements à compter du 1er janvier 2026, sous réserve de deux exceptions pour les véhicules immobiliers et le non coté[3].
Le nouvel article 1er de la Petite loi supprime le prélèvement de frais bancaires sur les comptes des défunts ayant un encours inférieur à 5.000 euros[4].
L'article 2 de la Petite loi définit dans le code des assurances les notions d' "arbitrage en assurance-vie" et de "mandat d'arbitrage en assurance-vie". Il prévoit notamment d'interdire aux mandataires de recevoir des commissions de mouvement.
L'article 3 de la Petite loi impose aux distributeurs d'assurance-vie et aux gestionnaires de plan d'épargne-retraite ("PER") de référencer au sein des contrats des fonds indiciels, et donc de présenter lors de la conclusion d'un contrat ou d'un plan des fonds indiciels cotés, à compter du 1er janvier 2025[5].
L'article 4 de la Petite loi impose aux entreprises d'assurance de publier annuellement sur leur site internet, et pour une période minimale de 5 ans, un tableau présentant les frais attachés aux contrats d'assurance-vie et aux PER qu'elles commercialisent, en distinguant les différentes catégories de frais et leur effet sur le rendement de l'investisseur.
L'article 5 de la Petite loi prévoit, outre l'instaurantion d'un "droit à l'erreur" en cas d'achat de titres inéligibles au Plan épargne action ("PEA")[6], un assouplissement du champ des titres éliginles au PRA afin d'inclure davantage de fonds commun de placement à risques ("FCPR"). Le droit existant prévoit que sont éliibles aux PEA, outre les instruments financiers listés au I, 1° de l'article L. 221.31 du Code monétaire et financier ("CMF")[7], les parts de placement collectifs (actions ou parts de SICAC, FCP, OPCVM) investis à au moins 75% en actions et titres de sociétés ayant leur siège dans l'EEE[8]. L'article 5 de la Petite loi modifie cette disposition : les FCPR disposeront d'une durée de 5 ans pour respecter la condition relative à la constitution d'au moins 75% de leur actif en actions et titres de sociétés.
En parallèle, le règlement des FCPR doit désormais prévoir qu'ils doivent entrer en période de pré-liquidation dans les conditions fixées par décret[9].
Enfin, le délai de blocage des fonds de capital-investissement, initialement de 10 ans, est étendu à 15 ans sur dérogation[10].
L'article 6 de la Petite loi, qui prévoyait de renforcer la réduction d'impôt sur le revenu au titre de la souscription au capital de PME (dispositif "Madelin" ou "IR-PME") a été supprimé[11].
Le nouvel article 6 de la Petite loi ajoute la préservation du patrimoine naturel et historique dans les activités susceptibles d'être reconnues d'utilité sociale, et pouvant donc être exercées par des entreprises ESUS[12].
Ce même article permet d'inclue dans les dispositifs d'investissements dans les PME, qui excluent par principe les activités immobilières, les sociétés foncières qui investissent dans la préservation et la mise en valeur de monuments historiques, sites, parcs et jardins protégés.
L'article 7 de la Petite loi vise à sécuriser le droit au transfert interne des contrats d'assurance-vie, qui ne peut être refusé par l'entreprise d'assurance dès lors que ce transfert intervient sur des contrats d'assurance gérés par ladite entreprise[13].
Cet article ouvre également la possibilité de transférabilité des contrats d'assurance-vie auprès d'une entreprise d'assurance tierce, avec une portabilité de l'antériorité fiscale, pour les contrats de plus de 8 ans. La portabilité de l'antériorité fiscale des contrats d'assurance-vie en cas de transfert externe ne s'appliquera toutefois qu'aux contrats rachetés à partir du 1er janvier 2025.
En parallèle, ce même article met à la charge de l'assureur et des intermédiaires un devoir de conseil dans la durée, qui s'applique à l'occasion de toute opération susceptible d'affecter le contrat de façon significative[14]. Il prévoit également la possibilité de fournir le service de recommandation personnalisée après la souscription ou l'adhésion au contrat[15].
Enfin, cet article introduit pour les assureurs, les mutuelles, les institutions de prévoyance et les prestataires de ervices bancaires et d'investissement une obligation expresse de respect des engagements contractuels en cours d'exécution du contrat[16].
L'article 8 de la Petite loi, qui prévoyait d'étendre jusqu'en 2026 le bénéfice de l'incitation fiscale mise en place par la loi Pacte pour transférer les sommes investies dans un contrat d'assurance-vie vers un PER, a été supprimé.
L'article 9 de la Petite loi confie à la Caisse des dépôts et consignations la gestion d'un fonds de fonds indiciels cotés, qui sera ensuite distribué dans les PER[17].
L'article 10 de la Petite loi, qui confiait à l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance ("Orias") le contrôle de l'honorabilité des dirigeants et des salariés des intermédiaires ayant l'obligation de s'immatriculer auprès de ce registre, a été supprimé[18].
L'article 11 de la Petite loi encadre plus strictement la publicité[19] et les informations précontractuelles des investissements dans le logement locatif avec incitation fiscale[20]. Cette proposition vise les dispositifs Pinel", "Girardin", "Malraux" et "Censi-Bouvard". L'avantage fiscal attaché à ces produits peut être de nature à faire oublier aux épargnants les risques inhérents à de tels produits. Il s'agira désormais de fournir aux épargnants une information beaucoup plus transparente et complète sur les risques encourus dans le cadre de ces investissements, que ce soit sur le plan patrimonial (valorisation de l'immobilier) ou fiscal (reprise de l'avantage fiscal par l'administration en cas de non-respect des conditions régissant leur octroi).
Cet article accroît également les contrôles a priori des offres d'investissement défiscalisé dans le secteur du logement locatif[21] et rend les amendes administratives plus dissuasives en cas de manquement à ces obligations.
L'article 12 de la Petite loi prévoit que l'ensemble des acteurs du financement participatif sont soumis aux mêmes obligations déclaratives au regard de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ("LBC-FT"). Aux termes de l'article 16 de ce règlement européen, le prestataire de services de financement participatif ("PSFP") doit communiquer chaque année à son autorité de supervision les informations relatives aux projets financés : porteur, montant collecté, instrument émis, informations sur les investisseurs. De même, pour les intermédiaires en financement participatif, l'ACPR dispose d'un droit de communication de tous documents et de toutes informations auprès des acteurs qu'elle supervise. Les seuls acteurs non couverts par ces obligations déclaratives renforcées sont désormais les prestataires intervenant dans des projets de financement participatif portant sur des parts sociales. Le présent article vise à rectifier cette situation en leur imposant les mêmes exigences que celles imposées au titre du règlement européen.
Les articles 13 à 18 de la Petite loi renforcent les prérogatives et pouvoirs de l'AMF :
[1] La loi est en cours d'élaboration et doit encore être examinée devant l'Assemblée nationale.
[2] Il s'agit des frais additionnels facturés au client lorsqu'un gérant achète ou vend des titres en portefeuille.
[3] Modification du Règlement général de l'AMF ("RG AMF") homologuée par arrêté du 16 mai 2022 publié le 19 mai 2022.
[4] Au-delà de ce montant, la clôture des comptes du défunt ne pourra donner lieu à un prélèvement de frais d'un niveau supérieur à 1% du montant total des sommes détenues par l'établissement, dans la limite d'un plafond fixé par arrêté. Cet amendement permet de protéger davantage les petits patrimoines.
[5] Les fonds indiciels, également appelés "tracker" ou "ETF - Exchange Traded Funds", sont des véhicules financiers qui permettent de diversifier un patrimoine en répliquant la performance d'indices (gestion passive) et offrent un niveau de frais moins élevé que les fonds en gestion active, donc une performance nette en moyenne égale ou supérieure.
[6] Ce dispositif de "droit à l'erreur" sera très certainement enrichi par de futurs travaux de l'AMF en 2023.
[7] Sous réserve que les sociétés émettrices disposent de leur siège social dans l'EEE, il s'agit d'actions cotées, d'actions non cotées sous certaines conditions, de certificats d'investissement, de certificats de coopératives d'investissement, de certificats mutualistes, de parts de SARL, de titres de capital de sociétés coopératives.
[8] Article L. 221-31, I, 2° du CMF.
[9] En l'état, aucune obligation n'est prévue et certaines sociétés de gestion ("SGP") ne débutent leurs travaux de pré-liquidation (notamment la cession des actifs du fonds) que tardivement, ce qui rend difficile le respect des délais de blocage des FCPR et donc le déblocage des fonds pour les investisseurs.
[10] Dans certains secteurs, une durée de vie de 10 ans n’est pas suffisante pour mettre en place la stratégie souhaitée ou dégager une plus-value. Pourront bénéficier d'un délai de blocage de 15 ans les fonds respectant plusieurs conditions inscrites dans le RG AMF (justification du délai, information transparente des investisseurs).
[11] Il s'agissait de relever le taux ordinaire de la réduction d'impôt "IR-PME" de 18% à 25% et de porter le taux bonifié transitoire de 25% à 30% jusqu'au 31 décembre 2026. Néanmoins, le débat sur le dispositif Madelin, jugé essentiel pour soutenir les entreprises, a récemment eu lieu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 et le rapport d'évaluation, qui sera remis en septembre 2023, inclura des propositions pour renforcer le capital-investissement et les fonds propres des entreprises. Les rapporteurs sont donc disposés à attendre les résultats de cette évaluation avant de proposer de nouveaux dispositifs.
[12] Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ("ESS") peuvent bénéficier d’aides et de financements spécifiques grâce à l’agrément "Entreprise solidaire d’utilité sociale" ("ESUS"). L’agrément ESUS est une "porte d’entrée" pour les entreprises de l'ESS à forte utilité sociale recherchant un accès au financement de l'épargne solidaire à l’instar notamment des encours collectés par l’épargne salariale. L’agrément ESUS permet également d'attirer des investisseurs, qui bénéficient, en échange d'un investissement au capital de certaines catégories de PME, de dispositifs de réduction d’impôt comme le dispositif Madelin.
[13] Les assureurs sont néanmoins autorisés à appliquer des frais de transfert, qui ne peuvent excéder 1% des droits acquis et qui sont nuls à l'issue d'une période de 8 ans de détention.
[14] Cette proposition permet d'adapter les offres proposées à l'assuré en fonction de l'évolution de son profil et de ses besoins.
[15] Le service de recommandation personnalisée, qui vise à expliquer à l'assuré en quoi certains contrats et certaines options d'investissement paraissent plus ou moins adaptés à ses besoins et exigences ainsi qu'à son profil financier, pourrait ne plus intervenir uniquement avant la souscription du contrat, comme c'est le cas actuellement, mais au cours de son exécution.
[16] Le droit existant prévoit une simple obligation de respect du contrat limitée au moment de la matérialisation du risque ou bien à l'échéance du contrat. Il n'est pas prévu expressément que les engagements contractuels doivent être respectés en cours d'exécution du contrat. Or, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ("ACPR") a mis en évidence des insuffisances de la part de certains assureurs dans le cadre du versement des prestations en assurance-vie : certains ne respectent pas leurs engagements concernant les taux techniques garantis, les modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices, ou encore le respect des cantons réglementaires et contractuels.
[17] Ce dispositif vise à proposer un produit peu chargé en frais, au bénéfice d'épargnants cherchant à se préparer à la retraite.
[18] L'Orias ne disposant pas des moyens nécessaires pour mener cette mission, celle-ci est confiée aux associations professionnelles sur lesquelles l’ACPR et l’AMF exercent, selon les cas, un contrôle.
[19] La publicité pour ces dispositifs doit désormais informer des risques de perte de l’avantage fiscal.
[20] Les vendeurs doivent désormais remettre une notice d'information aux épargnants, qui leur rappelle les risques encourus pour tout investissement dans le logement locatif, y compris celui de perdre l’avantage fiscal.
[21] Cette proposition clarifie les compétences des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ("DGCCRF") pour rechercher, constater et sanctionner les manquements aux obligations d'information précontractuelle.
[22] L'AMF dispose, d'une part, d'un pouvoir d'injonction "directe" ou "administrative" lui permettant d'ordonner aux personnes concernées de mettre fin aux manquements constatés par le Collège de l'AMF, et, d'autre part, d'un pouvoir d'injonction "indirecte" ou "judiciaire", par l'intermédiaire du président du tribunal judiciaire de Paris. Or, seule l'injonction judiciaire est actuellement assortie d'une astreinte. Le présent article corrige cette différence en prévoyant que le Collège puisse assortir ses injonctions administratives d'une astreinte dont il fixerait le montant. Cette mesure paraît cohérente dans la mesure où l'ACPR peut déjà, pour sa part, prononcer une astreinte sans décision judiciaire. Ce nouveau dispositif incite les acteurs à mettre plus rapidement fin aux manquements constatés.
[23] L'AMF ne peut aujourd'hui sanctionner que certaines offres au public de parts sociales, principalement celles réalisées par des sociétés civiles de placement immobilier, par des banques mutualistes ou par des sociétés coopératives sous forme de société anonyme. Pour les offres au public de parts sociales émises par d'autres entités, l'AMF ne dispose pas expressément de la compétence pour intervenir : elles relèvent donc seulement des juridictions civiles. Cet article vise à s'assurer que l'AMF est compétente pour sanctionner les offres au public irrégulières de parts sociales de toutes les sociétés commerciales. Une telle précision éviterait les contournements abusifs et la protection des épargnants s'en trouverait accrue : l'AMF n'avait pas pu, il y a quelques années, sanctionner une offre au public de parts sociales promettant des rendements de 6 % à 7 %, tout en minimisant les risques et en présentant des informations lacunaires. L'émetteur concerné s'était ensuite retrouvé en difficulté financière, suscitant d'importantes craintes pour les épargnants qui avaient choisi d'investir dans ces parts sociales sans être correctement informés des risques encourus.
[24] Le rôle et les prérogatives du juge des libertés et de la détention ("JLD"), qui autorise cet acte d'enquête, sont précisés afin de lever certaines lourdeurs opérationnelles. Par exemple, le JLD ne désigne plus nominativement un officier de police judiciaire pour assister les enquêteurs de l'AMF dans leurs opérations de visite domiciliaire, mais désigne simplement le chef de service territorialement compétent. Il reviendra ensuite à ce dernier de désigner le ou les officiers concernés, suivant leur disponibilité.
[25] Cette proposition met en conformité le CMF avec la décision n° 2021-965 QPC du Conseil constitutionnel en date du 28 janvier 2022, qui a déclaré contraire à la Constitution la double répression offerte par les textes en matière d'entrave aux enquêtes et contrôles de l'AMF (délit pénal et manquement administratif).µ
[26] Les difficultés des fonds peuvent se répercuter sur les épargnants.
[27] Aujourd'hui, les CAC sont soumis à des obligations de signalement pour les OPCI prenant la forme d’une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable. Tel n’est pas le cas lorsque l’OPCI prend la forme d’un fonds de placement immobilier.