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Mise en ligne du BOFiP sur le nouveau régime fiscal des management packages

Qu’ils étaient attendus, ces commentaires par Bercy du nouveau régime fiscal applicable aux gains dits de « management package » ! Publié au milieu de l’été, le 23 juillet 2025, le nouveau BOFiP a été soumis à consultation publique jusqu’au 22 octobre 2025 ; ce qui ne manquera pas de faire chanter les divers acteurs – en attendant de pouvoir danser cet hiver.

On sait que le régime fiscal applicable aux gains tirés de ce qu’il est convenu d’appeler les « management packages » a été pro­fondément refondu par la loi de finances pour 2025. Le nouveau dispositif, instauré à l’article 163 bis H du Code général des impôts (CGI), prévoit un changement de paradigme consistant à traiter fiscalement les gains « réalisés sur des titres souscrits ou acquis en contrepartie de fonctions sala­riales » comme des traitements et salaires, tout en préservant l’application du régime des plus-values mobilières pour la frac­tion du gain inférieur à un certain plafond correspondant à trois fois la performance financière de la société cible moins le prix d’acquisition des titres.

L’introduction de ce nouveau dispositif n’a pas manqué de soulever de nombreuses questions ; son entrée en vigueur immé­diate, aux gains réalisés à compter du 15 fé­vrier 2025, a d’ailleurs mis les contribuables et praticiens en face de difficultés pratiques d’interprétation et de mise en oeuvre, qui nous faisaient hâtivement souhaiter la pu­blication d’un BOFiP sur ce thème d’appli­cation délicate[1].

 

De bonnes nouvelles…

 

Un champ d’application temporel précisé

Une des principales questions en suspens posées par le nouveau régime portait sur le calcul du gain net en cas de LBO successifs, lorsque le manager a bénéficié d’un sursis d’imposition sur son (ou ses) précédent(s) réinvestissement(s). Le caractère interca­laire du sursis d’imposition pouvait en effet insinuer un certain doute sur l’inclusion ou non dans le régime institué à l’article 163 bis H du CGI, du gain non cristallisé lors d’une précédente opération.

Dans un souhait manifeste de soulager au plus vite les impatients lecteurs de ces commentaires officiels, le BOFiP précise dès son introduction que le gain net retiré d’une opéra­tion réalisée avant le 15 février 2025, n’est pas concerné par ce nouveau régime spécifique et qu’il en va notam­ment ainsi lorsque ce gain a été placé en sursis d’impo­sition avant cette date, conformément aux dispositions de l’article 150-0 B du CGI[2]. A fortiori, les gains placés en report d’imposition sur le fondement des dispositions de l’article 150-0 B ter du CGI n’entrent pas non plus dans le champ du nouveau régime, ces gains ayant été cristallisés lors d’opérations d’apport à une société contrôlée.

Cette prise de position est rassurante à deux points de vue. D’une part, elle évite la remise en cause rétroactive de la qualification du gain qui était applicable lors du pré­cédent réinvestissement. Ce précédent gain, qu’il ait été mis en report ou bénéficié du sursis, demeure donc soumis aux règles qui étaient alors en vigueur et devrait donc être traité comme une plus-value sous réserve d’une requali­fication en traitements et salaires au regard des critères retenus par le Conseil d’État. D’autre part, elle exonère les managers de difficultés pratiques qui eurent été diffi­cilement surmontables, consistant à retrouver la perfor­mance financière de la société de référence (le « multiple projet ») réalisée au titre des précédentes opérations, par­fois anciennes, afin de pouvoir appliquer de manière dis­tributive le plafonnement de l’imposition selon le régime des plus-values du ou des précédents gains mis en sursis[3].

Pour l’avenir, et par cohérence nous semble-t-il, le BOFiP prend soin de préciser un peu plus loin que la période de référence pour l’application de la formule de calcul sera close par toute cession ou opération mention­née à l’article 150-0 B du CGI : « Ainsi, en cas d’opération d’échange, la limite est calculée et appliquée au gain net retiré de l’échange des titres (c’est-à-dire à la différence entre la valeur des titres reçus en échange et la valeur des titres remis à l’échange selon les cas, à leur date d’acquisi­tion ou de souscription) »[4].

 

Validation de l’approche « globalisant » les différentes catégories de titres

Autre cause d’apaisement des craintes soulevées par le nouveau texte, le BOFiP consacre l’approche dite « blen­dée », c’est-à-dire l’approche consistant à faire masse, pour les besoins de la détermination du multiple réalisé par le manager, de l’ensemble des catégories de titres (notamment les actions ordinaires et actions de préfé­rence) acquis ou souscrits (ou, le cas échéant, attribués gratuitement).

Il est donc admis de « faire masse du prix payé pour l’en­semble des titres d’une même société »[5] sans qu’ait d’in­cidence le fait que « les titres donnent des droits différents ou présentent des natures différentes »[6] à condition toutefois que les titres dont il est fait masse soient « éli­gibles au régime spécifique d’imposition »[7] et aient été « acquis, souscrits ou attribués sur une période rapprochée dans le cadre d’une même opération en application d’un accord-cadre, d’un ensemble contractuel ou d’une même décision d’attribution »[8].

Cette interprétation nous semble conforme à l’esprit de la loi, qui consiste à comparer la performance globale réalisée par le manager à celle de l’investisseur financier ; à cet égard, la tolérance relative à la période d’acquisi­tion est bienvenue. Elle demeure toutefois incomplète sur ce qu’il convient d’entendre par une « période rappro­chée » : quelques jours, semaines, ou mois ? En pratique, il conviendra surtout de s’assurer que la documentation permette aux bénéficiaires d’établir que les titres sous­crits, acquis ou attribués au cours d’une période rappro­chée relèvent d’une décision ou d’un accord unique.

Deux limites à l’approche globalisante sont toutefois à garder à l’esprit.

Premièrement, la règle ne vise que les titres « d’une même société ». Or, dans de nombreuses opérations, les mana­gers détiennent leurs participations à la fois (i) via une société holding commune regroupant tout ou partie des managers du groupe (« Manco ») et (ii) en direct dans la société holding du groupe (par exemple lorsque le ma­nager s’est vu attribuer des actions gratuites de cette dernière). Dans un tel cas, le calcul résultant des com­mentaires contenus dans le BOFiP devrait être effectué séparément pour chacune de ces masses de titres, ce qui neutralise l’approche globalisante retenue par ailleurs par l’administration. Il serait souhaitable que le législateur corrige cette incohérence, qui ne devrait pas, en pratique, susciter de débat particulier, dès lors que la doctrine admi­nistrative admet déjà la possibilité de regrouper plusieurs catégories de titres pour déterminer le gain net réalisé par un manager sur son investissement (et ainsi faire primer une logique financière consistant, autant que possible, à apprécier le retour d’un investisseur de manière globale sur la période d’investissement).

Deuxièmement, les titres non éligibles à ce régime spécifique d’imposition, tels que les titres ne présen­tant pas de risque de perte en capital et les obligations simples, seraient exclus de cette approche « blendée »[9], l’administration les considérant comme hors du champ de l’article 163 bis H. Cette exclusion pourrait ainsi avoir un effet sur le calcul du plafond d’imposition applicable aux plus-values mobilières.

 

Performance financière de la société de référence : validation de l’approche « multiple cash-on-cash »[10]

On sait que, pour les besoins du calcul du multiple réali­sé par la société (permettant de déterminer le plafond de l’imposition en plus-value), la valeur réelle des capitaux propres de la société, à l’entrée comme à la sortie, est augmentée, le cas échéant, des dettes de la société envers tout actionnaire ou toute entreprise liée (directement ou indirectement) au sens du 12 de l’article 39 du CGI. Nous avions toutefois alerté sur une insuffisance de la loi qui, à la différence des opérations réalisées sur le capital qui sont proprement neutralisées, ne prévoit pas expressé­ment que les capitaux propres retenus pour le calcul de la valeur réelle de la société soient ajustés du montant des éventuelles opérations de « recap », ce qui aurait été sus­ceptible d’induire une minoration fictive de la valeur réelle de la société de référence à la sortie (puisque les dettes d’actionnaires remboursées sont quant à elles déduites de la valeur des capitaux propres à l’entrée).

Le BOFiP corrige fort heureusement cette imprécision en prévoyant expressément que lorsque « les prêts d’action­naires sont remboursés avant la date de cession des titres ou de toute opération mentionnée à l’article 150-0 B du CGI portant sur ces titres, les sommes remboursées sont in­tégrées à la valeur réelle de la société de référence à cette date, au même titre que les sommes non encore rembour­sées »[11].

Le BOFiP apporte également des précisions sur l’impact des opérations sur le capital dans le calcul de la valeur réelle de la société de référence entre la date d’acquisi­tion et la date de cession. En cohérence avec l’approche de rentabilité « cash-on-cash », il indique qu’en cas d’aug­mentation de capital, la valeur réelle de la société « à l’en­trée » doit être ajustée à due concurrence du montant des augmentations intervenues sur la période.

Si ces précisions vont dans le bon sens, on peut toutefois espérer que la prochaine version du BOFiP illustre de ma­nière plus complète les ajustements possibles du ratio de performance financière, en tenant compte des différentes opérations visées à l’article L. 225-181 du Code de com­merce (réductions ou amortissements de capital, modi­fication de la répartition des bénéfices, attributions gra­tuites d’actions, incorporations de réserves ou de primes, distributions de réserves, émissions de titres de capital ou de titres donnant droit à des actions, etc.). Selon nous, et en retenant toujours cette approche de rentabilité finan­cière, seules les opérations entraînant effectivement un flux financier entre la société émettrice et ses actionnaires devraient avoir un impact sur le calcul du ratio de per­formance, ce dernier renvoyant en pratique au multiple global réalisé par les investisseurs.

Éligibilité au sursis et prise en compte de l’imposition en traitements et salaires dans le prix de revient fiscal des titres

Le II de l’article 163 bis H disposant que la fraction du gain net inférieure au fameux plafond qu’il définit est impo­sée « dans les conditions prévues à l’article 150-0 A », on ne peut que saluer l’interprétation extensive retenue par l’administration qui précise que « cette fraction du gain net ouvre droit à l’ensemble des dispositions propres au régime des plus-values de cession de valeurs mobilières tels que le sursis ou le report d’imposition respectivement prévus à l’article 150-0 B du CGI et à l’article 150-0 B ter du CGI ou encore l’abattement fixe applicable aux dirigeants de pe­tites et moyennes entreprises partant à la retraite prévu à l’article 150-0 D ter du CGI »[12].

Seule la fraction du gain inférieure à ce plafond étant éli­gible au sursis, la part du gain imposable en traitements et salaires est immédiatement taxée au titre de l’année de l’échange, alors même que l’opération ne permet pas au dirigeant d’obtenir des liquidités.

Dans la mesure où il entraîne une imposition immédiate de l’échange de titres, ce dispositif ne semble toutefois pas conforme à la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 (dite « directive Fusion »). L’article 8 de la directive Fusion a en effet un champ très large, prévoyant qu’une telle opération d’échange « ne doit, par elle-même, en­traîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values » pour l’associé apporteur. Souhaitons que le législateur intervienne rapidement pour corriger cette imperfection du régime et faciliter le réinvestissement des dirigeants actionnaires.

L’administration prend soin de préciser que lorsqu’il est mis fin au sursis d’imposition, le prix de revient fiscal des titres apportés devra être augmenté de la fraction du gain ayant déjà été imposée en tant que traitements et salaires, aux fins de déterminer le montant du gain net imposable selon le régime des plus-values.

Nous regrettons néanmoins que le BOFiP n’apporte pas davantage de précisions sur les modalités de calcul du gain net lorsqu’un contribuable procède concomitamment (i) à un « cash-out » en cédant une catégorie spécifique de titres et (ii) à un réinvestissement via l’apport d’une autre catégorie de titres. Dans une telle configuration, une question demeure : le gain net cristallisé lors de l’opéra­tion d’apport doit-il être déterminé uniquement par réfé­rence à la valeur fiscale des titres effectivement apportés, ou selon une clé de répartition différente (par exemple, au prorata de la valeur réelle des titres apportés par rapport à l’ensemble des titres – toutes catégories confondues – détenus au moment du débouclage de l’opération) ? Nous ne pouvons qu’espérer que la prochaine version du BOFiP, issue de la consultation publique, proposera des exemples plus aboutis, illustrant des schémas de cessions et d’apports impliquant plusieurs catégories de titres ; et pouvant ainsi servir de « vademecum » déclaratif.

 

Et d’autres moins bonnes.

 

Les critères d’entrée dans le régime et la présomption de « contrepartie »

L’application de ce dispositif fiscal des « management packages » suppose, on le sait, que le gain réalisé par les managers soit « la contrepartie [de leurs] fonctions de sa­larié ou de dirigeant ». Il ne fait de doute pour personne que le législateur, en reprenant au I de l’article 163 bis H les termes utilisés par la jurisprudence du Conseil d’État depuis ses décisions du 13 juillet 2021, a entendu ne sou­mettre à ce régime spécifique que les cas correspondant aux critères dégagés par ces décisions.

C’est bien ainsi que l’administration l’a également com­pris, faisant explicitement référence à cette jurispru­dence[13], et ce BOFiP est l’heureuse occasion d’identifier, ordonner et clarifier ces critères.

Or, l’exercice ébauché nous semble imparfait. Après avoir rappelé que ne sont pas pertinentes (à elles seules) les modalités d’attribution, acquisition ou souscription des titres, le BOFiP énumère deux listes de critères[14] :

  • des critères d’ordre contractuel : le lien entre le gain attribué aux managers et l’atteinte de niveaux de per­formance, ou un ensemble de clauses qui regroupent, non seulement les clauses de « bad leaver » (visées par la Cour administrative d’appel de Versailles dans son arrêt de renvoi de la décision Financière Prov du 13 juil­let 2021[15]) qui encadrent les conditions de cession de titres par les managers en cas de départ de ces derniers et selon les circonstances de celui-ci, mais aussi des clauses bien plus classiques, telles que les clauses de non-concurrence, de loyauté, d’incessibilité des titres ; ou enfin des clauses encadrant les conditions de ces­sion de titres telles que celles prévoyant une obliga­tion ou un droit de sortie conjointe (clauses dites de « drag along » ou « tag along »). Si on trouve certes une référence isolée à un droit de sortie conjointe dans la décision Jarcsek du Conseil d’État[16], ces dernières clauses demeurent extrêmement classiques et sont présentes dans la majorité des pactes d’associés (il est en effet commun qu’un actionnaire minoritaire dis­pose d’un droit de céder ses actions en cas de cession du groupe par l’actionnaire majoritaire). Leur mention dans la liste des critères retenus est donc de nature à créer un climat d’incertitude préjudiciable ;
  • des critères d’ordre financier : l’administration en iden­tifie deux, le bénéfice d’un mécanisme dit de « ratchet », prenant la forme de titres dont la valeur dépend de l’at­teinte d’indicateurs de performance, et celui de « sweet equity », consistant à accorder aux managers, pour un même montant investi, une part proportionnellement plus importante du capital que les autres investisseurs.

Les relations entre ces critères d’ordre contractuel (de nature à « déterminer » l’existence d’une contrepartie) et ceux d’ordre financier (susceptibles d’« établir » l’exis­tence de cette contrepartie), présentés de manière suc­cessive par l’administration, demeurent source d’interro­gations. À la lecture du BOFiP, il semble en effet que la reconnaissance de critères financiers emporte une forme de présomption d’application du nouveau régime, tandis que les critères contractuels ne joueraient qu’un rôle d’in­dices, venant simplement renforcer le lien avec les fonc­tions de salarié ou de dirigeant. Si cette lecture devait être confirmée dans la version définitive du BOFiP, elle irait au-delà des principes posés par le Conseil d’État dans ses décisions du 13 juillet 2021, lesquelles invitaient plutôt à une analyse globale de l’économie générale du « manage­ment package » en intégrant tant les critères contractuels que financiers ; les indices financiers devant toujours être conjugués avec des indices contractuels pour établir qu’il s’agit d’une contrepartie des fonctions exercées par le bé­néficiaire.

Concrètement, un manager ayant souscrit des actions dites « ratchet » à leur juste valeur (sur la base d’un rap­port de valorisation établi par un expert indépendant) ne devrait pas voir le gain issu de ces actions entrer mécani­quement dans le champ du nouveau dispositif, a fortiori en l’absence de clauses contractuelles spécifiques (pro­messes leavers, etc.).

 

La charge de la preuve

Les difficultés pratiques liées à la détermination de la performance financière de la société de référence, néces­sitant de déterminer la « valeur réelle » de cette société aux dates d’acquisition et de cession des titres concernés, ne manquent pas et ne sont pas intégralement résolues par la validation de l’approche de rentabilité « cash-on-cash ». Qu’entend-on en effet par « valeur réelle » ? Si le texte de la loi précise que « la valeur réelle de la société est la valeur réelle de ses capitaux propres augmentée des dettes [liées] », cette approche basée sur une « equity value » (ajustée) ne devrait par exemple pas être totale­ment transposable aux titres d’une société cotée.

Le BOFiP, sans se prononcer sur ce point, prend néan­moins le soin de préciser que sur ce sujet épineux, la charge de la preuve pèsera sur les managers, alors même que ceux-ci ne sont pas nécessairement les mieux placés pour connaître cette valeur : « Les salariés ou dirigeants doivent être en mesure de justifier par tous moyens de la performance financière retenue »[17]. L’administration admet cependant qu’ils puissent « produire une attesta­tion de leur employeur ou de la société de référence » pour apporter cette justification. Ce n’est pas la première fois que l’administration admet le recours à une attestation de l’employeur « afin de tenir compte de la difficulté pra­tique »[18]. Mais un doute demeure quant à la force proba­toire d’une telle attestation.

 

La condition de détention de deux ans

Le BOFiP reprend la condition, prévue par le législateur, que les titres aient été détenus au moins deux ans par le salarié ou le dirigeant, sauf concernant les actions gra­tuites, les BSCPE et les « stock-options ». Notons que l’administration mentionne cette condition dans la par­tie du BOFiP relative au champ d’application général du régime alors que cette condition, mentionnée au II de l’ar­ticle 163 bis H, ne devrait concerner que l’application au gain de cession, dans une certaine limite, du régime des plus-values mobilières.

L’administration fait preuve d’une certaine souplesse en admettant, même en cas de cession de titres fongibles ou non individualisés acquis à des dates différentes, que l’on puisse appliquer la condition de détention minimale dis­tinctement pour chaque titre en réputant que la cession porte en priorité sur les titres acquis ou souscrits à la date la plus ancienne (méthode du « premier entré premier sorti » ou « PEPS »)[19].

Les commentaires de l’administration restent toutefois en-deçà des attentes sur ce point en ce qu’ils ne précisent pas comment le délai est apprécié en cas de réalisation d’une opération intercalaire. En effet, si le dirigeant a procédé à une opération d’apport de ses titres, relevant de l’article 150-0 B du CGI[20], il eut été utile de prévoir (par exemple pour les apports placés en sursis d’imposi­tion préalablement à l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif) que les titres reçus à l’occasion de cette opéra­tion bénéficient de l’antériorité des titres apportés pour l’appréciation de la condition de deux ans (dès lors qu’une opération placée en sursis d’imposition doit en principe être considérée comme une pure opération intercalaire n’impliquant pas une réinitialisation du délai de détention des titres reçus dans le cadre de l’apport[21]). En tout état cause, l’imposition ainsi déclenchée à l’occasion d’une opération de fusion ou d’échange de titres, sur l’intégralité du gain, serait là aussi contraire à l’article 8 de la directive Fusion.

 

Les nombreuses zones d’ombre qui demeurent

De nombreux sujets, et non des moindres, n’ont malheu­reusement pas été éclaircis par ce BOFiP tant attendu ; on ne saurait certes présumer de la capacité de la doctrine fiscale à remédier à toutes les imperfections de la loi, mais l’absence de précisions sur certains points fondamentaux laisse un goût d’inachevé.

Il en est notamment ainsi au regard de trois thèmes qui soulèvent déjà de nombreuses difficultés pratiques et que l’on retrouve dans la majeure partie des opérations de LBO.

Le premier est celui du traitement des titres logés en PEA, à une époque où une telle inscription n’était pas interdite. Si leur inscription dans un PEA n’est plus possible, lorsqu’ils entrent dans le champ de l’article 163 bis H, pour les titres déjà présents au sein de cette enveloppe, on peut s’inter­roger sur la portée de l’exclusion d’exonération d’impôt, prévue au 5° bis de l’article 157 : celle-ci ne vise-t-elle que la part du gain taxé en traitement et salaires (à l’exclusion de celle éligible au régime des plus-values en vertu du II de l’article 163 bis H) ou s’applique-t-elle à l’intégralité du gain ? D’autre part, comment gérer les situations d’ap­port de titres sujets à ce nouveau régime et logés en PEA : si les nouveaux titres reçus en rémunération de l’apport ne peuvent évidemment être inscrits sur le PEA, faut-il considérer que le porteur effectuant un apport a réalisé un retrait, susceptible de déclencher la clôture du PEA ? Si le PEA a plus de cinq ans d’ancienneté, à quel régime est soumis le retrait des titres du PEA ? Le teneur de compte doit-il appliquer les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 % en cas de retrait des titres alors que le gain afférent à ces titres relève en principe du régime des traitements et salaires ? Ces questions semblent se poser de manière identique en cas de retrait du produit de cession de titres logés en PEA et de réinvestissement de ces sommes (à supposer que celui-ci soit possible) au sein du PEA.

Compte tenu de ces nombreuses interrogations, il serait a minima souhaitable que l’administration accepte d’élargir la tolérance appliquée aux dividendes soumis aux prélève­ments sociaux pendant la vie du PEA[22]. En effet, le régime du PEA prévoit aujourd’hui que les dividendes versés par des sociétés non cotées sont soumis aux prélèvements sociaux dès lors qu’ils excèdent 10 % du prix d’acquisition des titres inscrits dans le plan. Ce mécanisme conduit mé­caniquement à une double imposition en cas de retrait de ces sommes du PEA.

Pour remédier à cette situation, la doctrine administrative admet opportunément que les contribuables peuvent de­mander, par voie de réclamation, le remboursement de la part des prélèvements sociaux appliqués lors du retrait, dans la limite de ceux déjà acquittés par rôle au titre des revenus du patrimoine afférents aux produits de titres non cotés logés dans le plan.

En définitive, bien que le BOFiP annonce, dans sa dernière partie, des « précisions sur l’articulation du régime spéci­fique d’imposition avec le régime fiscal du PEA », il ne four­nit malheureusement, à ce stade, aucune clarification sur le traitement des titres placés en PEA.

Le deuxième point, source majeure d’incertitudes et pourtant totalement ignoré par ce BOFiP, est celui de l’application de ce nouveau dispositif en cas de mobili­té internationale du salarié ou dirigeant. La question est importante dans la mesure où le revenu d’activité est ici enchâssé dans un gain en capital de sorte qu’il relève dans l’ordre international de deux régimes distincts. Les commentaires ne disent notamment rien de l’articulation de l’article 163 bis H du CGI avec (i) le dispositif de l’exit tax prévu à l’article 167 bis et (ii) les conventions fiscales (faut-il par exemple appliquer à l’intégralité du gain les règles conventionnelles relatives aux revenus d’emplois ?).

Enfin, le dernier absent de ces commentaires est le sujet des donations de titres entrant dans le champ du régime de l’article 163 bis H, le I de cet article disposant qu’en « cas de donation des titres mentionnés au premier alinéa du présent I, le gain net mentionné au même premier alinéa est déterminé et imposé au nom du donateur au titre de l’année au cours de laquelle le donataire a disposé de ses titres ou les a cédés, convertis ou mis en location ». On attendait du BOFiP qu’il précise notamment ce qu’il fallait entendre par « déterminé et imposé au nom du donateur », précisément les effets de cette donation sur la purge de la plus-value latente, dont l’imposition sur la tête du donateur lors de la cession par le donataire crée une insécurité dirimante pour ces schémas de transmission patrimoniale. L’admi­nistration attend peut-être, sur ce point, que le législateur se saisisse lui-même du sujet (à moins qu’une position prise sur le régime du PEA ne puisse autoriser une inter­prétation favorable de ces opérations à hauteur du gain ouvrant « droit à l’ensemble des dispositions propres au régime des plus-values de cession de valeurs mobilières »).

 

Conclusion

Un romancier français disait « L’incertitude est le pire de tous les maux jusqu’au moment où la réalité vient nous faire regretter l’incertitude »[23]. S’il n’en est pas ainsi du BOFiP, qui a le mérite d’éclaircir de nombreux aspects du nouveau régime des « management packages », il de­meure un certain nombre de points qui mériteraient des éclaircissements. Espérons que la consultation publique à laquelle l’administration a soumis ses commentaires per­mettra de faire sortir de l’ombre les quelques sujets qui y demeurent.

 

Editeur : Les nouvelles fiscales, n° 1383, 1er octobre 2025, éditions Lamy Liaisons


[1] V. notre précédent article « Fiscalité des “mana­gement packages” : un texte critiqué pour une réforme attendue » du 17 mars dernier.
[2] BOI-RSA-ES-20-60 n° 20.
[3] Ou d’être contraints d’appliquer le « multiple projet » de l’opération en cours au prix d’acquisition ou de souscription historique des ac­tions concernées – un traitement asymétrique qui nous aurait sem­blé incohérent avec la logique de ce nouveau dispositif).
[4] BOI-RSA-ES-20-60 n° 270.
[5] BOI-RSA-ES-20-60 n° 280.
[6] BOI-RSA-ES-20-60 n° 290.
[7] BOI-RSA-ES-20-60 n° 280.
[8] BOI-RSA-ES-20-60 n° 310.
[9] BOI-RSA-ES-20-60 n° 280 et remarque 2 du n° 310.
[10] Le « multiple cash-on-cash » désigne généralement le multiple ef­fectivement obtenu par les investisseurs (pris individuellement ou collectivement), calculé à partir de l’ensemble des flux de trésorerie entrants et sortants sur la période considérée.
[11] BOI-RSA-ES-20-60 n° 390.
[12] BOI-RSA-ES-20-60 n° 420.
[13] BOI-RSA-ES-20-60 n° 180.
[14] BOI-RSA-ES-20-60 n° 190.
[15] CAA Versailles, 1re ch., 25 janv. 2022, n° 21VE02099.
[16] CE, 28 janv. 2022, n° 433965.
[17] BOI-RSA-ES-20-60 n° 330.
[18] BOI-RSA-GEO-40-10-20 n° 150, en matière de régime des impa­triés prévu à l’article 155 B du CGI, sur la détermination de la rému­nération de référence.
[19] BOI-RSA-ES-20-60 n° 120.
[20] Nous relevons que, de façon étonnante, ce BOFiP présente l’ar­ticle 150-0 B du CGI comme un régime optionnel, ce qui ajoute clai­rement à la loi.
[21] BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-20 n° 30.
[22] BOI-RPPM-RCM-40-50-30 n° 260-290.
[23] Alphonse Karr, Les Guêpes.

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