Propositions Omnibus : Vers une Simplification du Cadre Réglementaire Européen en Matière de Durabilité
Le 26 février 2025, la Commission européenne a proposé deux directives visant à simplifier les obligations de reporting et de diligence raisonnable en matière de durabilité pour les entreprises.
Ces propositions font partie du paquet législatif dit « Omnibus I et II »[1], qui inclut des amendements aux dispositions de la directive (UE) n° 2022/2464 du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (« CSRD ») (1.), de la directive (UE) n° 2024/1760 du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (« CS3D ») (2.), au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (« MACF »), aux dispositions du Règlement (UE) n° 2021/523 du 24 mars 2021 établissant le programme InvestEU, ainsi qu’aux dispositions des actes délégués complétant le Règlement 2020/852 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables.
L’objectif affiché par la Commission européenne est, en effet, de « concilier l’ambition de l’UE en faveur d’une transition durable avec le renforcement de la compétitivité des entreprises européennes », en allégeant les « règles inutiles ou disproportionnées qui créent une charge inutile pour les entreprises de l’UE » dans un contexte concurrentiel et géopolitique tendu[2].
Ainsi, une première proposition de directive prévoit des modifications aux dispositions de fond de la CSRD et de la CS3D, tandis que la seconde proposition de directive se focalise sur le report des dates d’application des exigences issues de ces deux directives.
1. Propositions de modifications des dispositions de la CSRD
La première proposition[3] vise à réduire le champ d’application de la CSRD pour que le reporting ne concerne plus que certaines grandes entreprises, et à garantir que les obligations d’information en matière de durabilité imposées aux grandes entreprises ne fassent pas peser de charge sur les petites et moyennes entreprises de leurs chaînes de valeur.
Elle prévoit notamment les principales mesures suivantes :
- La réduction du champ d’application de la directive pour n’inclure que les plus grandes entreprises européennes ou groupes européens employant plus de 1 000 personnes, et dépassant 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 25 millions d’euros au bilan[4].
- L’abandon des normes ESRS sectorielles afin de réduire le nombre d’exigences de divulgation et la charge de reporting.
- Une réduction de l’« effet de ruissellement », avec le mandat d’adopter une norme de reporting pour une utilisation volontaire par les PME. Il est également proposé que la norme VSME définisse la limite légale des informations que les entreprises assujetties à la CSRD peuvent demander aux entreprises non soumises à cette dernière.
- La suppression de l’assurance raisonnable. La Commission a supprimé la transition d’une exigence d’assurance limitée à une exigence d’assurance raisonnable dans la CSRD.
- Le remplacement des normes sur l’assurance limitée, initialement prévues pour 2026, par des lignes directrices ciblées sur l’assurance pour 2026.
La seconde proposition de directive[5] propose, elle, un report de deux ans pour l’entrée en vigueur des nouvelles exigences de durabilité pour les entreprises de la deuxième et troisième vague (effectuant la première publication de leur rapport respectivement en 2026 et en 2027).
Dans un second temps, une révision des normes de reporting dites ESRS aura lieu, afin de réduire considérablement le nombre de data points, clarifier l’application du principe de matérialité et simplifier la structure et la présentation des normes. La Commission prévoit d’adopter les ESRS révisés dès que possible, au plus tard six mois après l’entrée en vigueur des amendements Omnibus proposés.
Selon la Commission européenne, la réduction du champ d’application de la CSRD et les exigences de reporting, y compris la simplification des ESRS, profiteront notamment aux grandes entreprises non cotées et aux PME. Les mesures proposées sont censées générer des économies substantielles pour les entreprises (estimées à environ 4,4 milliards d’euros par an).[6]
2. Propositions de modifications des dispositions issues de la CS3D
La première proposition de directive[7] vise à simplifier les obligations de diligence raisonnable pour les grandes entreprises, tout en réduisant les « effets de ruissellement » sur les PME et les petites entreprises de taille intermédiaire. Elle prévoit notamment :
- Un assouplissement de l’obligation de réaliser systématiquement des évaluations approfondies des impacts négatifs dans les chaînes de valeur. Les entreprises ne seraient tenues de mener des évaluations complètes de diligence raisonnable au-delà de leurs partenaires commerciaux directs (Tiers 1) que si des informations « plausibles » suggèrent qu’un impact négatif a eu lieu ou pourrait se produire à ce niveau ;
- Une simplification des obligations de diligence raisonnable, avec notamment un allongement d’un an à cinq ans de l’intervalle entre deux évaluations et mises à jour périodiques, une rationalisation du nombre de parties prenantes et de leur implication, et la suppression de l’obligation de rompre la relation d’affaires en dernier recours en cas de manquements par le partenaire commercial ;
- Une réduction de l’« effet de ruissellement », en limitant les informations que les entreprises assujetties peuvent solliciter de leurs partenaires commerciaux PME et et les petites entreprises à moyenne capitalisation, à celles prévues par les normes de rapports volontaires sur le développement durable de la CSRD ;
- Une délégation des conditions des régimes de responsabilité civile aux États membres ;
- Une interdiction pour les États membres d’introduire en droit national un plafond ou une limite aux sanctions pécuniaires qui aurait pour effet d’empêcher les autorités de supervision d’imposer les sanctions prévues par la directive ;
- Une suppression de la clause de révision concernant l’inclusion des services financiers dans le champ d’application de la directive ;
- Un alignement des exigences relatives à l’adoption de plans de transition climatiques sur celles de la CSRD ;
- Un renforcement de l’harmonisation des exigences en matière de diligence raisonnable pour garantir des conditions de concurrence équitables au sein de l’UE.
La seconde proposition de directive[8] propose quant à elle un report de la date limite de transposition au 26 juillet 2027, et un report de la première phase d’exécution des obligations pour les plus grandes entreprises au 26 juillet 2028. En revanche, la publication des lignes directrices de la Commission serait avancée à juillet 2026.
Selon la Commission européenne, la simplification de ces obligations profitera à la fois aux très grandes entreprises qui entrent dans le champ d’application de la directive (estimées à environ 6 000 entreprises européennes et 900 entreprises non européennes) et aux partenaires situés sur leur chaîne de valeur, y compris les PME et les petites entreprises à moyenne capitalisation[9].
Conclusion
D’après la Commission européenne, ces propositions de modifications contribueront à « créer un environnement commercial favorable » et devraient permettre aux entreprises européennes d’économiser environ 6,3 milliards d’euros de coûts administratifs annuels[10].
Ces propositions de directives du paquet « Omnibus » seront prochainement examinées par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.