Analyses & décryptages

Nouvelle règlementation des changes en zone UEMOA : une réforme discrète qui renforce le contrôle de la BCEAO et accentue les complexités administratives dans la région

La zone UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine) a adopté une nouvelle réglementation des changes, marquant une étape significative dans la modernisation de son cadre réglementaire. Cette réforme, bien que discrète, renforce le contrôle de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) (en vue de favoriser la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et introduit de nouvelles complexités administratives pour les résidents de la région et les investisseurs.

 

Un cadre complexifié pour les investissements et les prêts

Adoptée le 20 décembre 2024, la nouvelle réglementation des changes de l’UEMOA remplace le règlement de 2010. Elle consacre le principe de liberté pour les investissements directs et de portefeuille, tout en imposant des obligations de déclaration et de domiciliation auprès des banques locales.

Le nouveau texte définit l’investissement direct comme l’acquisition d’actifs non financiers ou la détention d’au moins 10% du capital d’une société, tandis que les investissements de portefeuille concernent des transactions sur des titres de créance ou de participation n’excédant pas 10% du capital.

Les investissements doivent être déclarés au Ministère des Finances et à la BCEAO dans un délai de 30 jours, et les opérations doivent être domiciliées, sauf pour celles en dessous d’un certain seuil à fixer par la BCEAO.

La nouvelle réglementation des changes de l’UEMOA cible principalement les investissements impliquant un transfert de fonds vers une société résidente de l’UEMOA, comme les souscriptions en numéraire à une augmentation de capital. Le produit des investissements doit être domicilié auprès d’un intermédiaire agréé et cédé à la BCEAO. Bien que certains investissements, tels que l’acquisition d’une société résidente par un non-résident, n’impliquent pas nécessairement de flux financiers dans la zone UEMOA, ces investissements doivent néanmoins être déclarés à des fins statistiques.

Les formalités entourant les investissements et les prêts dans la zone UEMOA ont été renforcées. Tout investissement ou emprunt doit être domicilié auprès d’une banque locale, sauf pour les opérations d’un montant inférieur à un plafond fixé par la BCEAO. La domiciliation, précédemment limitée aux exportations et importations, s’étend désormais aux investissements, prêts, emprunts, acquisition de créances, et cautions ou garanties. Les bénéficiaires résidents doivent fournir des documents spécifiques à la banque.

La liquidation des investissements doit être appuyée par des pièces justificatives présentées à l’intermédiaire agréé. Ces intermédiaires peuvent transférer le produit de la liquidation sur présentation de ces pièces, mais la BCEAO n’a pas encore publié les précisions nécessaires, compliquant l’application de ces nouvelles règles dans les banques commerciales de la zone.

 

Renforcement des obligations de rapatriement et de transfert de devises

La réforme clarifie et renforce les obligations de rapatriement et de transfert des devises étrangères. Les résidents de l’UEMOA doivent rapatrier les produits des investissements et des emprunts étrangers dans leurs comptes bancaires locaux.

Le processus de rapatriement se déroule en deux étapes :

  • le bénéficiaire de l’investissement ou du prêt reçoit le produit en devises dans une banque locale,
  • la banque réceptionnant les devises a l’obligation de les transférer à la BCEAO conformément aux directives de la Banque centrale.

Les banques locales jouent un rôle crucial dans ce processus, bien que des précisions sur les pièces justificatives requises soient encore attendues de la BCEAO.

Pour superviser ces opérations de rapatriement, chaque État membre de l’UEMOA créera un comité national de suivi. Ce comité aura pour mission de sensibiliser et de contrôler le respect par les entreprises exportatrices et les intermédiaires agréés de leurs obligations en matière de domiciliation et de rapatriement des recettes d’exportation. Il est important de noter que le champ d’intervention de ces comités est limité au rapatriement des recettes d’exportation, et n’inclut pas les emprunts auprès des non-résidents.

 

Incertitudes sur les comptes en devises

Pour les résidents de l’UEMOA

L’ouverture de comptes en devises, qu’ils soient domestiques ou à l’étranger, par les résidents de l’UEMOA requiert une autorisation préalable du Ministre des Finances après avis conforme de la BCEAO. Bien que la nouvelle réglementation des changes de l’UEMOA ne précise pas les modalités d’ouverture, certaines dispositions de l’instruction n°08/07/2011 du 13 juillet 2011 nous semblent encore applicables en attendant de nouvelles directives de la BCEAO. Il en est notamment ainsi des règles sur le fonctionnement des comptes en devises des résidents ainsi que les conditions de renouvellement de l’autorisation de détention de tels comptes.

A noter que les devises détenues à l’étranger par les résidents de la zone UEMOA doivent être rapatriées, limitant ainsi l’utilité des comptes en devises à des transactions spécifiques ou des transits.

 

Pour les non-résidents

Les banques locales de l’UEMOA doivent obtenir une autorisation préalable de la BCEAO pour ouvrir des comptes en francs CFA ou en devises pour les non-résidents. La règle de l’instruction n°08/07/2011 qui permettait l’ouverture de ces comptes sous la responsabilité des banques locales, est désormais obsolète.

La durée de détention d’un compte en devises pour un non-résident était limité à deux ans, avec la nécessité de renouveler le statut et la résidence pour prolongation. Jusqu’à ce que la BCEAO définisse de nouvelles modalités, les dispositions sur la durée et le renouvellement des comptes en franc CFA ou en devises ouverts localement pour des non-résidents devraient rester applicables.

 

Conclusion

Visant à moderniser le cadre réglementaire et à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, cette réforme ajoute une couche de complexité administrative pour les acteurs économiques de la zone UEMOA. Les entreprises et les banques locales devront s’adapter à ces nouvelles exigences pour éviter des blocages dans leurs opérations financières.