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(opération également dénommée « squeeze-out » consistant à ex- proprier, moyennant contrepartie, les actionnaires minoritaires d’un émetteur coté suivie d’une radiation de la cote de la société)20.
Le législateur s’est donc orienté vers l’application d’un seuil géné- ralisé ne suivant pas en cela les préconisations de certains acteurs de la place favorables à un abaissement sélectif du seuil du retrait obligatoire à 90 % uniquement lorsque celui-ci serait exercé à l’issue d’une offre publique d’acquisition pour laquelle l’initiateur détenait moins de 50 % de la cible lors du dépôt de l’offre21.
Si cette modification législative a pour objectif affiché de renforcer l’attractivité de la place de Paris et d’y encourager les introductions en bourse, notamment les PME à fort potentiel de croissance, en adressant un signal rassurant aux candidats à l’introduction quant aux conditions de sortie de cote (en 2018, 7 IPOs sur Euronext et 10 sur Euronext Growth contre 13 sur Eurolist et 25 sur Alternext en 2007 dans un contexte pré-crise), elle pourrait avoir d’autres effets.
On peut tout d’abord espérer un rebond du marché des offres publiques d’acquisition (22 opérations en 2018 contre 67 en 2007) étant donné la probabilité accrue pour un initiateur de pouvoir sor- tir la cible de la cote. On dénombre actuellement une quarantaine de sociétés cotées sur Euronext ayant une capitalisation boursière supérieure à 50M€ avec un actionnaire de référence (seul ou de concert) détenant au moins 80 % de son capital.
L’abaissement du seuil à 90 % devrait ensuite limiter, notamment en les rendant plus coûteuses et risquées pour leurs promoteurs, les opé- rations de prises de participation purement opportunistes dans des sociétés sous offre publique (à l’instar de ce qui a pu être observé pour les sociétés Camaïeu, Buffalo Grill, APRR, Norbert Dentressangle ou encore Radiall) par des fonds d’investissement activistes en vue d’atteindre le seuil permettant de bloquer le retrait obligatoire pour ensuite monnayer à de meilleures conditions leur prix de sortie.
En l’alignant au niveau du seuil requis pour la mise en œuvre de la radiation simple prévue depuis 2015 par les règles d’Euronext, cette mesure pourrait aussi contenir la tentation que certains initiateurs malheureux dans la mise en œuvre d’un retrait obligatoire pourraient avoir en arbitrant en faveur de la radiation simple qui - n’ayant pas pour corollaire l’expropriation des actionnaires minoritaires - conduit à ce que des petits porteurs se retrouvent in fine à posséder des actions de sociétés non cotées totalement illiquides.
Enfin, la plupart des Etats membres de l’Union Européenne retenant aujourd’hui un seuil à 90 % pour le retrait obligatoire, cette modifica- tion pourrait également rendre sans objet la pratique parfois observée consistant pour un émetteur français à aller rechercher des juridictions européennes plus clémentes en matière de retrait obligatoire (en par- ticulier au moyen d’une transformation en société européenne suivie d’un transfert de siège social dans l’une de ces juridictions).
20 - Article 75 de la loi Pacte modifiant l’article L. 433-4 du code monétaire et financier
21 - Rapport du Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris (HCJP) du 26 mars 2018
concernant la réforme du retrait obligatoire de la cote.
L’ABAISSEMENT DU SEUIL DE L’OFFRE PUBLIQUE DE RETRAIT POUR DÉTENTION MAJORITAIRE
Antoine Tézenas du Montcel
Le législateur a fixé à 90 % du capital ou des droits de vote le seuil minimal de l’offre publique de retrait pour détention majoritaire22.
Jusqu’à présent un seuil de 95 % des droits de vote, fixé dans le règlement général de l'autorité des marché financiers, était requis pour que l’actionnaire majoritaire (seul ou de concert) puisse dé- poser volontairement, ou se voir imposer par l’autorité boursière - suite à la demande d’un actionnaire minoritaire - de déposer, une offre publique de retrait.
L’objectif affiché par les promoteurs de cette modification est d’as- surer une cohérence avec l’abaissement du seuil de détention né- cessaire à l’exercice du retrait obligatoire (voir supra) et ainsi faci- liter la sortie d’actionnaires minoritaires qui, compte tenu de leur situation dans le capital de l’entreprise, se trouveraient dans l’im- possibilité de vendre leurs titres.
Une seule offre publique de retrait à la demande d’un minoritaire ayant été imposée par l’autorité boursière au cours de ces vingt dernières années et ce pour des raisons liées en particulier à l’illiquidité du titre23, il conviendra de voir, à l’usage, si l’Autorité des marchés financiers fait évoluer sa doctrine quant aux critères retenus pour l’imposer.
22 - Article 75 de la loi modifiant l’article L. 433-4 du code monétaire et financier. 23 - Offre publique de retrait sur la société Ivalis.
UNE RÉFORME À VENIR DU DROIT DES SÛRETÉS
Philippe Dupichot et Laetitia Lemercier
Une nouvelle réforme du droit des sûretés est annoncée à l’article 60 de la loi Pacte : celui-ci habilite le gouvernement pendant une durée de deux ans à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour simplifier le droit des sûretés et renforcer son ef- ficacité, quelque 13 années après la grande réforme effectuée par l’ordonnance du 23 mars 2006.
Cette réforme fait à nouveau suite aux travaux élaborés sous l’égide de l’Association Henri Capitant, laquelle a remis à la Chancellerie un avant-projet de réforme en juin 2017 qui devrait inspirer l’ordon- nance qui sera prise.
Trois raisons principales expliquent l’intérêt d'une telle « réforme de la réforme ».
D’abord, la réforme de 2006 doit être achevée car elle n’a été que partielle. Le cautionnement est resté sur le bord du chemin, le législateur ayant refusé d’habiliter à l’époque le gouvernement à
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