Analyses & décryptages

Projet de loi de simplification : les principales mesures concernant les baux commerciaux

L’Assemblée nationale a achevé l’examen des amendements du projet de loi de simplification de la vie économique le 17 juin dernier. Le texte doit désormais être examiné – probablement à la rentrée – par une commission mixte paritaire. Voici les principales mesures à retenir en la matière en l’état du projet. Ces dispositions mériteront une analyse approfondie quant à leurs portées et leurs conséquences, une fois le projet de loi définitivement adopté par le Parlement.

 

1. Taxe foncière à la charge du bailleur

Le projet de loi prévoit de compléter l’article L. 145-40-2 du Code de commerce par un alinéa ainsi rédigé : « La taxe foncière mentionnée à l’article 1380 du code général des impôts est à la charge du bailleur et automatiquement acquittée par ce dernier » (article 8 ter) dans le but d’interdire la refacturation de cette taxe au preneur dans le cadre des baux commerciaux.

Ce nouvel alinéa devrait figurer – comme le reste de l’article qu’il viendrait compléter – dans la liste des dispositions d’ordre public soumises au principe selon lequel « sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet d’[y] faire échec » (article L145-15 du Code de commerce). Autrement dit, il ne serait pas possible de déroger à cette interdiction dans le contrat.

Rappelons que la refacturation de la taxe foncière par le bailleur au preneur relève actuellement du domaine de la liberté contractuelle et est expressément autorisée par l’article R145-35 du Code de commerce, qui dispose notamment que « peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière […] ».

L’amendement à l’origine de cette nouvelle mesure précise qu’elle aurait été suggérée par le Syndicat des indépendants et des TPE et qu’elle a notamment pour objectif « d’alléger les charges qui pèsent sur nos TPE et de lutter également contre la désertification des centres-villes en soutenant les artisans et commerçants ». La rédaction prévue par le projet de loi vise toutefois tous les baux commerciaux, sans distinguer les catégories de locataires, ni la nature des locaux loués. Il restera à déterminer si cette réforme est de nature à s’appliquer aux baux en cours

 

2. Mensualisation du paiement des loyers

Le projet de loi prévoit que « le paiement mensuel du loyer sera de droit lorsque le preneur à bail d’un local destiné à l’exercice d’une activité de commerce de détail ou de gros ou de prestations de service à caractère commercial ou artisanal en fait la demande ». Cette mesure serait ainsi applicable aux baux en cours, quelles que soient les stipulations du contrat.

La demande de mensualisation prendrait effet sans condition « à compter de l’échéance suivante de paiement du loyer prévue par le bail ». La disposition qui conditionnait le droit pour le preneur de bénéficier de cette mesure à l’absence d’arriérés de paiement au titre du bail a été supprimée par les députés « pour rendre pleinement effective l’instauration du paiement mensualisé des loyers commerciaux […] ».

 

3. Validité des clauses d’indexation « tunnel »

Le projet de loi prévoit par ailleurs d’autoriser « par dérogation à l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, dans le bail des locaux à usage commercial la clause ayant pour objet ou pour effet d’encadrer, dans les mêmes proportions, à la hausse et à la baisse, la variation annuelle de l’indice des loyers commerciaux prise en compte pour la révision du loyer en application des articles L. 145-38 et L. 145-39 du présent code ».

Il s’agirait là pour le législateur d’autoriser, dans les baux de locaux « à usage commercial » uniquement, les clauses d’indexation du loyer sur la base de l’indice des loyers commerciaux (ILC) correspondant à un « tunnel », à condition toutefois que la variation admise soit la même à la hausse comme à la baisse.

La validité de ces clauses d’indexation – susceptibles d’être réputées non-écrites en l’état de la jurisprudence en vigueur, dès lors qu’elles écartent toute réciprocité de variation et aboutissent à une distorsion prohibée par l’article L.112-1 du code monétaire et financier – serait ainsi expressément consacrée par la loi.

 

4. Encadrement des garanties locatives

Selon le projet de loi, « les sommes payées à titre de garantie par le preneur à bail d’un local [destiné à l’exercice d’une activité de commerce de détail ou de gros ou de prestations de service à caractère commercial ou artisanal], qu’elles soient versées ou fournies par des tiers, ne peuvent excéder le montant des loyers dus au titre d’un trimestre. Ces sommes ne portent pas intérêt au profit du preneur à bail ».

Cette mesure serait applicable aux mêmes locaux que ceux éligibles à la faculté de mensualisation des loyers présentée ci-dessus. Elle s’appliquerait aux baux en cours, quelles que soient les stipulations du contrat.

Ainsi, le bailleur d’un bail en cours portant sur ce type de locaux et qui détiendrait des garanties de toute nature « dont le montant cumulé excède le montant des loyers dus au titre d’un trimestre » disposerait d’un délai de six mois à compter de la date de promulgation de la loi « pour restituer au preneur les montants excédentaires ou renoncer aux garanties couvrant un montant excédentaire ».

 

5. Sort du dépôt de garantie

Le projet de loi prévoit par ailleurs d’encadrer le sort du dépôt de garantie éventuellement versé par le preneur au titre du bail commercial dans les cas suivants :

  • en cas de mutation des locaux pris à bail pendant la durée du bail: l’obligation de restitution au preneur des sommes payées à titre de garantie serait transmise au nouveau bailleur et il appartiendrait, comme cela se fait déjà généralement en pratique, à l’acquéreur de remboursement au vendeur le montant du dépôt de garantie détenu par ce dernier ;
  • en fin de bail commercial: le dépôt de garantie éventuellement payé par le preneur doit être restitué au bailleur ou à son mandataire « dans un délai raisonnable ne pouvant excéder trois mois à compter de la remise des clés […], déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieux et place du preneur, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées ».

 

6. Absence de modification du texte relatif au droit de préemption « Pinel »

Le droit de préemption « Pinel » prévu par l’article L. 145‑46‑1 du Code de commerce s’applique à la vente d’un local « à usage commercial ou artisanal » loué au titre d’un bail commercial. Le projet de loi prévoyait de préciser les définitions de « local à usage commercial » et de « local à usage artisanal », dans le but de réduire les notifications opérées « par prudence » pour certaines catégories de locaux ainsi que le nombre de contentieux en nullité de la vente en résultant.

Cette mesure a toutefois été écartée par les députés dans la dernière version du projet de loi, au motif qu’elle aurait pour effet de restreindre le champ d’application du droit de préemption du locataire dans le cadre de la vente d’un local commercial ou artisanal. La rédaction de l’article L.145‑46‑1 du Code de commerce ne devrait donc pas être modifiée par ce texte. Se posera notamment la question de savoir si, dans ces conditions, la notion de « local à usage commercial ou artisanal » devra correspondre à celle définissant le champ d’application de la faculté de mensualisation des loyers susvisée.