Analyses & décryptages

Vers une facilitation de la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements 

Destinée à répondre à « l’impérieuse nécessité de se prémunir contre une pénurie de logements »[1], la loi n° 2025-541 promulguée le 16 juin 2025 mobilise, en matière d’urbanisme, plusieurs outils pour encourager la transformation des constructions existantes en logements.

L’un des principaux apports de la loi réside dans la consécration d’un permis de construire « réversible », « inspiré par le permis à double état créé par la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 sur les Jeux Olympiques de Paris de 2024 »[2].

Ainsi, l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme (PLU) peut désormais délimiter des secteurs dans lesquels le permis de construire peut autoriser plusieurs destinations successives du bâtiment[3], sans d’ailleurs qu’il soit nécessaire que l’une d’entre elles correspondent à l’habitation.

De manière opérationnelle, et sous réserve du décret à intervenir :

  • l’arrêté de permis de construire mentionne, (i) de manière expresse, les différentes destinations autorisées et, (ii) à la demande de l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme, la première destination de la construction ;
  • les règles de prorogation et de caducité de droit commun s’appliquent aux travaux autorisés par le permis de construire au titre de l’état initial de la construction. Il en résulte que, s’agissant du premier état, les travaux doivent être entrepris en principe dans les trois ans suivant la délivrance du permis de construire[4] – délai prorogeable deux fois une année[5] – et, passé ce délai, ne peuvent être interrompus pendant plus d’une année ;
  • s’agissant des états ultérieurs de la construction, la formalité administrative requise pour passer d’un état à l’autre varient selon le degré de précision de la demande initiale :
    • si celle-ci permet à l’autorité compétente de vérifier la conformité des états futurs du projet au regard des règles applicables au moment de sa délivrance, le permis – d’une durée de validité de 20 ans à compter de sa délivrance – autorise ces états futurs par anticipation. En ce cas, le propriétaire doit simplement informer le maire et, le cas échéant, l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme de chaque changement de destination ou d’état, au moins 3 mois avant le changement effectif de destination ;
    • à l’inverse, si la demande initiale ne permet pas de s’assurer de la conformité des stades ultérieurs du projet, une nouvelle demande d’autorisation d’urbanisme « nécessaire à la réalisation des travaux liés au changement de destination»[6] devra être sollicitée ;
  • pour donner tout effet utile au permis de construire réversible et sécuriser les transformations ultérieures du bâti, les modifications ultérieures des règles du PLU relatives aux destinations sont sans incidence sur la validité du permis de construire, pendant 20 ans à compter de sa délivrance.

Le décret d’application à intervenir pourrait notamment déterminer le contenu de la demande de permis de construire réversible et les modalités de son instruction, relativement aux états futurs de la construction. A titre d’exemple, il pourrait être utilement confirmé que l’ensemble des autorisations ou formalités nécessaires à tous les états futurs (établissements recevant du public, agrément d’immobilier d’entreprise, demande d’examen au cas pas cas, etc.) doivent être sollicitées ou accomplies dès la demande initiale de permis de construire.

La loi du 16 juin 2025 institue encore une dérogation aux dispositions du PLU relatives aux destinations des constructions.

En effet, l’autorité compétente peut désormais autoriser – par dérogation auxdites règles du PLU – le changement de destination d’un bâtiment ayant une destination autre que l’habitation en bâtiment à destination principale d’habitation[7]. Peuvent également bénéficier de cette dérogation, les travaux et constructions d’extension ou de surélévation objets de l’autorisation d’urbanisme.

Le nouvel article L. 152-6-5 du code de l’urbanisme définit les conditions dans lesquelles une telle dérogation peut intervenir. Notamment :

  • l’autorité compétente doit tenir compte de « la nature et de la zone d’implantation du projet» ;
  • l’avis conforme de l’autorité compétente en matière de PLU doit être recueilli ;
  • l’avis (simple) du maire doit être recueilli lorsqu’il n’est pas compétent pour délivrer l’autorisation d’urbanisme.

Cette dérogation ne peut être refusée qu’au regard :

  • des risques de nuisances pour les futurs habitants ou résidents ;
  • d’une insuffisante accessibilité par les transports en commun ;
  • des incidences du projet sur la démographie scolaire ou sur les objectifs de mixité sociale et fonctionnelle.

La loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements étend également le champ d’application de la servitude de « résidence principale » instituée par la loi Le Meur du 19 novembre 2024 (n° 2024-1039) : le règlement du PLU peut ainsi définir des secteurs dans lesquels les logements issus de la transformation de bâtiments à destination autre que d’habitation doivent être à usage exclusif de résidence principale.

S’agissant des modalités de financement conventionnel des équipements publics, signalons que le champ d’application du projet urbain partenarial (PUP) couvre désormais les équipements nécessaires aux opérations de transformation de bâtiments de destination autre que l’habitation en bâtiments à destination principale d’habitation[8].

Enfin, afin de faciliter la création de résidences universitaires, les CROUS peuvent recourir sans condition aux marchés de conception-réalisation relatifs à la réalisation des logements locatifs aidés par l’Etat, financés avec le concours d’aides publiques[9]. De même, le règlement du PLU peut désormais prévoir des secteurs à l’intérieur desquels les résidences universitaires bénéficient d’une majoration du volume constructible résultant des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol[10].

Si la loi du 16 juin 2025 institut de nouveaux outils attendus par la pratique, ces évolutions majeures doivent encore être pleinement mobilisées par les autorités locales. A titre d’exemple, la délivrance de permis de construire réversibles suppose nécessairement que l’autorité compétente en matière de PLU ait préalablement délimité les secteurs dans lesquels de telles autorisations peuvent être délivrées.

La postérité de cette loi dépendra ainsi largement de son appropriation, à l’échelle locale, par les acteurs publics.

 


[1] Exposé des motifs de la proposition de loi.
[2] Ibid.
[3] Nouvel article L. 431-5 du code de l’urbanisme.
[4] Article R. 424-16 du code de l’urbanisme.
[5] Article R. 424-21 du code de l’urbanisme.
[6] Nouvel article L. 431-5 du code de l’urbanisme.
[7] Nouvel article L. 152-6-5 du code de l’urbanisme.
[8] Article L. 332-11-3 modifié du code de l’urbanisme.
[9] Article L. 2171-2 modifié du code de la commande publique.
[10] Article L. 151-28 modifié du code de l’urbanisme.