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 - LIVRET LOI PACTE -
   LE CONTRÔLE DE LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS
Edmond Schlumberger et Anne Tolila
Ce sujet a déjà fait l’objet d’interventions législatives récentes, la principale d’entre elles ayant pris corps avec la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Depuis cette loi, les socié- tés anonymes cotées françaises sont en effet tenues de mettre en place un système de say on pay, autrement dit de soumettre aussi bien la politique globale de rémunération des dirigeants exécutifs que le montant des rémunérations qui leur sont effectivement ver- sées à l’aval de l’assemblée générale des actionnaires.
Depuis lors, le législateur européen est à son tour intervenu, et ce par la voie d’une directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires. De manière générale, le principe du say on pay y est également acté, moyennant un même double vote ex ante et ex post des actionnaires, à cette réserve près que les Etats membres sont libres de conférer à un tel vote un caractère seule- ment consultatif.
On comprend donc que, pour l’essentiel, le droit français est au- jourd’hui mieux-disant que le socle minimal fixé à l’échelle euro- péenne. Dans le détail, toutefois, cette conformité n’est pas tou- jours assurée, de telle sorte qu’une transposition des exigences de la directive demeure nécessaire sur certains points. On peut en particulier noter que la directive impose, dans le rapport soumis au vote des actionnaires, une transparence sur la rémunération in- dividuelle des dirigeants entendus au sens large, ce qui inclut les administrateurs ou membres du conseil de surveillance, exigence qui n’est aujourd’hui pas prévue par le droit français. La loi nouvelle s’est cependant bornée à habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance à ce propos (v. art. 198 de la loi Pacte), laquelle doit théoriquement intervenir avant le 10 juin 2019 pour respecter le délai de transposition posé par la directive.
Pour autant, certaines évolutions dictées par la directive ont parfois été directement intégrées par la loi nouvelle, fût-ce de manière in- complète.
La première concerne la détermination de la rémunération variable allouée aux dirigeants. La directive s’est montrée sur ce point très exigeante, en posant que la politique de rémunération devait éta- blir des critères clairs, détaillés et variés pour l’attribution de la ré- munération variable, et plus particulièrement indiquer les critères de performance financière et non financière à prendre en compte. La loi nouvelle effectue un premier pas en ce sens, en indiquant que le rapport sur le gouvernement d’entreprise devra décrire, le cas échéant, les éléments variables de la rémunération déterminés à partir de l’application de critères de performance extrafinancière (v. art. 175 de la loi). On notera toutefois, d’une part, que la fixation de critères de performance non financière ne semble pas contrai- gnante, et d’autre part, que cette information ne figure pas dans
les éléments de la politique de rémunération soumise au vote ex ante des actionnaires. L’ordonnance attendue (v. supra) devra donc nécessairement compléter cette première évolution pour assurer la conformité du droit français à la directive. Précisons toutefois que le rapport sur le gouvernement d'entreprise doit également être établi dans les sociétés en commandite par actions, ce qui étend le champ d'application de cette nouvelle obligation aux SCA cotées, en plus des SA cotées.
La seconde porte sur la publicité des écarts de rémunérations entre les dirigeants et les salariés. Là encore, la directive a innové de ma- nière notable. Dans le cadre du vote ex post des actionnaires sur les rémunérations individuelles des dirigeants, elle a ainsi imposé de faire part de leur évolution en parallèle de celle de la rémunéra- tion moyenne sur une base équivalent temps plein des salariés de la société au cours des cinq exercices les plus récents au moins. La loi nouvelle reprend rigoureusement cette exigence, en prévoyant que le rapport sur le gouvernement d’entreprise mentionne le niveau de la rémunération des dirigeants exécutifs mis au regard de la rému- nération moyenne sur une base équivalent temps plein des salariés de la société autres que les mandataires sociaux et l’évolution de ce ratio au cours des cinq exercices les plus récents au moins, présentés ensemble et d’une manière qui permette la comparaison. Mais il faut constater qu’elle est en réalité allée encore plus loin, en étendant cette comparaison à la rémunération médiane des salariés et des mandataires sociaux (v. art. 187 de la loi), ce que n’exigeait nullement la directive.
LE CONTRÔLE DES CONVENTIONS RÉGLEMENTÉES
Edmond Schlumberger et Anne Tolila
Régulièrement sujette à des retouches législatives, la procédure de contrôle des conventions réglementées fait à nouveau l’objet de quelques ajustements, lesquels sont principalement induits de la directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires. Par ce texte, le législateur européen a en effet enten- du renforcer le contrôle de ces transactions conclues avec « des parties liées », pour reprendre sa propre terminologie, étant rappe- lé que les prescriptions posées ne visaient que les sociétés cotées. Une première innovation réside dans la publicité obligatoire de la passation de conventions réglementées par ces sociétés cotées. Plus précisément, la loi nouvelle prévoit que ces sociétés devront publier sur leur site internet des informations sur de telles conven- tions au plus tard au moment de la conclusion de celles-ci (v. art. 198 de la loi). Il s’agit là d’un changement radical, dans la mesure où le règlement général de l’AMF imposait seulement une telle publi- cité a posteriori, dans le rapport semestriel d’activité de la société, à propos des conventions ayant influé significativement sur sa situa- tion financière ou ses résultats. Les informations visées par la loi se- ront ultérieurement précisées par un décret, sachant que la direc- tive exige que l’annonce contienne au minimum des informations sur la nature de la relation avec la partie liée, le nom de la partie
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