27 juillet 2020
L’ordonnance n° 2020-891 du 22 juillet 2020 relative aux procédures du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (l’« Ordonnance ») codifie et clarifie une pratique déjà établie du Comité de règlement des différends et des sanctions (le « CoRDiS »). La sécurité juridique en est accrue en raison d’une meilleure lisibilité des règles applicables aux procédures de règlement de différends et de sanctions.
La réforme des procédures du CoRDiS de la Commission de régulation de l’énergie (la « CRE ») est intervenue aux termes de l’Ordonnance du 22 juillet 2020, publiée au Journal Officiel le lendemain. Elle est applicable à toutes les procédures « enregistrées à la date de son entrée en vigueur », soit le 24 juillet 2020, tant en matière de règlement de différends que de procédures de sanction (Article 18 de l’Ordonnance). Cette rédaction reconnaît l’application des dispositions de l’Ordonnance aux instances pendantes devant le CoRDiS.
L’Ordonnance, annoncée depuis plusieurs mois, met en œuvre l’article 57 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat qui habilitait le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance dans un délai de six mois les mesures (i) concernant « les procédures de règlement des différends et de sanctions du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie […], de renforcer l’effectivité du droit au recours, des droits de la défense et du principe du contradictoire, dans le respect de la hiérarchie des normes et en assurant la cohérence rédactionnelle des textes », et (ii) en vue de « permettre à la Commission de régulation de l’énergie d’agir devant les juridictions ».
S’agissant spécifiquement de cette seconde innovation, les présidents du CoRDiS et de la CRE disposent en effet dorénavant de la faculté de (i) former un pourvoi en cassation contre les arrêts de la Cour d’appel de Paris en cas de contestation des décisions de règlement des différends, et (ii) présenter des observations devant la Cour de cassation (Article 7).
L’Ordonnance, plus généralement, clarifie une pratique établie (1.), et renforce les droits de la défense dans le cadre de la procédure de sanction (2.).
1. Clarification d’une pratique déjà etablie
L’Ordonnance précise et confirme la pratique observée depuis plusieurs années. En effet, comme rappelé dans le rapport du Premier ministre et de la ministre de la transition écologique, son objectif est de codifier « la pratique décisionnelle du CoRDiS depuis plus de dix ans, confortée par la jurisprudence administrative et judiciaire ».
En premier lieu, elle confirme qu’aucun membre du CoRDiS chargé de l’instruction ne peut participer au délibéré en matière de sanction , ni qu’aucune mise en demeure n’est nécessaire en cas de sanction pour manquement au règlement (UE) n°1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (le « Règlement REMIT ») (Articles 3 et 8).
En second lieu, l’Ordonnance rappelle, si besoin est, l’application du principe du contradictoire et des droits de la défense (assistance par une personne de son choix, consultation du dossier, observations écrites et orales) en matière de sanction (Article 14). En suivant une pratique déjà instaurée, elle étend explicitement le contradictoire de l’instruction et la possibilité d’être assisté aux procédures de règlement des différends (Article 4). Cette extension ressort de la combinaison des articles 4 et 14 qui codifie le principe du contradictoire au sein d’un article L. 133-7 du code de l’énergie, applicable tant aux procédures de sanction qu’aux règlements des différends.
En troisième lieu, elle inscrit dans la loi, exclusivement s’agissant de la procédure de règlement de différends, la pratique déjà usitée par le CoRDiS d’assortir ses décisions d’un calendrier d’exécution de sa décision, et la possibilité de les accompagner d’astreintes dans des modalités fixées par un décret qui interviendra postérieurement (Article 6).
En quatrième lieu, les nouvelles dispositions rappellent la faculté de publier les décisions de règlement de différends et de sanction sur le site de la CRE et d’autres supports, « notamment dans le rapport établi sur les opérations de l’exercice par les gérants, le conseil d’administration ou le directoire de la société sanctionnée », selon les modalités précisées par le CoRDiS, tout en veillant à garantir la protection des secrets protégés par la loi et des données à caractère personnel (Articles 6 et 16). Cette garantie de la protection des secrets constitue une nouveauté et offre ainsi aux personnes sanctionnées une garantie supplémentaire quant au contenu des sanctions publiées. Il doit être souligné sur ce point que l’Ordonnance supprime le critère de la gravité du manquement pour la publication des décisions de sanction et fait supporter les frais de cette publication à la partie sanctionnée (Article 16).
2. Renforcement des droits de la défense à l’occasion d’une procédure de sanction
L’Ordonnance traduit également une volonté marquée de renforcer les droits de la défense à l’occasion d’une procédure de sanction.
Tout d’abord, l’Ordonnance réaffirme que la prescription en matière de sanctions prononcées par le CoRDiS est de trois ans à compter du manquement (Article 15).
En revanche, elle affirme que le régime de prescription applicable aux demandes de règlement des différends est celui de droit commun prévu par le code civil, soit un délai de prescription de 5 ans pour les actions personnelles et mobilières. L’Ordonnance confirme ainsi la position prétorienne du CoRDiS [1].
Ensuite, l’Ordonnance prévoit un nouveau régime d’instruction désormais encadré par des dispositions législatives pour les demandes de sanction en son article 9, distinct du régime initialement commun aux règlements des différends et aux sanctions prévu aux articles R. 134-30 et suivants du code de l’énergie.
Dorénavant, en matière de sanction, le président du CoRDiS désigne un membre chargé de l’instruction « dès réception de la demande de sanction » (le « membre désigné »). Ces nouvelles dispositions confirment une pratique inaugurée dans les trois seules procédures de sanction qu’a eu à connaître le CoRDiS, selon laquelle celui-ci peut :
La mise en place de cette procédure par un nouvel article législatif prive d’effets les dispositions réglementaires relatives aux séances du CoRDiS (i.e. article R. 134-35 du code de l’énergie), et ne permettrait donc plus au membre désigné, en l’absence de base légale, de présenter des observations et de prononcer une sanction. L’adoption d’un décret d’application devrait y remédier.
L’application de l’Ordonnance dans les mois à venir devra être observée de près dans un contexte d’intensification du nombre de procédures de sanction, notamment pour méconnaissance du Règlement REMIT. Le 19 décembre 2019, le CoRDiS a en effet prononcé sa seconde décision de sanction pour manipulation de marché [3].
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[1] Décision du CoRDiS nos 05-38-18 et 06-38-18 du 4 décembre 2019 portant règlement du différend opposant les sociétés Energies Nouvelles Investissements et JLT Invest à la société SRD.
[2] Décision du CoRDiS n°03-40-16 du 11 juin 2018 portant sanction à l’encontre de la société Enedis en application de l’article 134-28 du code de l’énergie, p. 19.
[3] CoRDiS, 19 décembre 2019, n°01-40-19, BP Gas Marketing Limited.